06/06/2022

Les descendants - Chapitre 3

 


    – Mince alors ! Il était sacrément coriace ce type !

    – Coriace et effroyablement puissant.

    Emily et Nathanaël étaient installés à une table du Chaudron Baveur. Suite à l’invitation de Neville Londubat et de sa femme, ils avaient décidé de quitter leur hôtel près de l’aéroport pour loger au pub jusqu’à la rentrée. Emily aurait juré que l’établissement avait l’air plus sombre et peu fréquentable la première fois qu’ils y avaient posé les pieds. Aujourd’hui, il avait tout simplement l’air d’une de ces auberges que l’on rencontre dans les récits arthuriens. Ils étaient attablés, prenant leur petit-déjeuner, Emily lisant avec passion un livre d’Histoire du monde de la magie tandis que Nathanaël se maintenait au courant des dernières nouvelles via un journal dont les photos étaient animées. Emy découvrait chaque jour ce monde où dire que tout était plus vivant était un euphémisme. La magie semblait être en toute chose, si bien qu’elle n’aurait même plus été étonnée que la chaise ne lui demande de prendre ses aises. Elle avait momentanément stoppé sa lecture, distraite. Son regard se posa sur la gérante des lieux qui lui sourit tout en continuant d’essuyer les tables qui s’étaient vidées. Emily savait qu’il allait lui être étrange de voir Neville comme un professeur après avoir été dans son pub tout un été. Ce dernier avait laissé Hannah gérer seule l’établissement depuis quelques jours, retournant à Poudlard plus tôt pour préparer la venue des nouveaux élèves. La jeune adolescente avait appris que le professeur enseignait la botanique mais aussi qu’il était le directeur de la maison Gryffondor, succédant au professeure McGonagall qui ne pouvait plus tenir ce rôle par soucis d’équité envers les quatre maisons. Emily Jonson rêvait d’aller à Gryffondor. Sa baguette contenait, selon le vendeur, de la crinière de Lion mêlée à de la poudre de corne de Licorne. Elle avait été émerveillée, une fois encore, d’apprendre que ces créatures existaient réellement. Et le fait que sa baguette eût été fabriquée avec quelques poils du roi de la savane avait une signification toute particulière pour elle  signification qu’elle se gardera bien de taire pour le bien de tous.

    Au-delà du symbole, elle aimait les valeurs supportées par cette maison : leur courage, leur force. Les plus grands sorciers semblaient avoir été dans cette maison et elle espérait pouvoir y être à son tour. Elle ne pouvait néanmoins s’empêcher de penser que classer les élèves par catégorie était assez étrange lorsque l’on disait vouloir éviter que le passé ne se répète. Elle se demandait si les sorciers de Serpentard étaient vils et cruels dès le départ ou s’ils étaient formatés par ce que l’on pensait d’eux, par la réputation de leur maison. L’histoire du professeur Rogue n’avait pas manqué de la toucher. Il était la preuve qu’ils ne finissaient pas tous en fou assoiffés de pouvoir.

    Saphir sauta sur ses genoux et l’arracha à ses rêveries. Elle gratta la tête du chaton noir au poil brillant qui se mit à ronronner avant de se rouler en boule pour faire une sieste. Elle était tombée amoureuse du petit animal qu’elle avait repéré à la Ménagerie Magique. Il l’avait regardé de ses yeux bleus intenses et cela avait été comme une évidence. Ce serait lui, l’ami fidèle qui la suivrait dans cette nouvelle aventure. Sa maitresse repris sa lecture là où elle l’avait laissé. Elle devait absolument en savoir le plus possible avant son entrée à Poudlard. À défaut de savoir utiliser sa baguette – même le professeur Londubat n’avait pas réussi à lui faire comprendre pourquoi on passait par cet instrument pour lancer des sorts, ce qui valut comme résultat des échecs cuisants voir dangereux – elle pouvait au moins se rattraper sur d’autres matières et, surtout, ne pas avoir l’air d’être totalement ignorante au sujet du monde qu’elle venait d’intégrer. Elle s’était arrêtée à la grande bataille de Poudlard, celle qui avait marqué ce siècle et qui, on l’espérait, serait la dernière d’une telle gravité. Elle frissonna à l’idée qu’une telle personne ait pu exister. Aussi résistant que malfaisant, Voldemort avait très certainement été ce qu’il y avait de pire dans le monde de la magie, et Emy se voyait heureuse d’intégrer ce dernier après la disparition du mage noir.

 

*

 

    La rentrée fut vite arrivée et Emily Jonson vit son taux de stress multiplié par mille. Elle allait participer à la cérémonie de répartition des quatre maisons avec les premières années et elle appréhendait fortement tous les regards qui allaient se poser sur elle à l’annonce de son entrée directe dans la troisième. Hannah Abbot-Londubat lui avait expliqué comment se déroulait la grande soirée de rentrée et l’idée d’être assise sur un petit tabouret devant quatre immenses rangées de tables remplies de personnes ne l’avait pas particulièrement rassurée. Elle était désormais devant le Poudlard Express et sentait son estomac se tordre à l’idée de se retrouver avec tous ces gens qu’elle ne connaissait pas pour un trajet qui allait durer toute une après-midi. L’idée de faire marche-arrière commençait à poindre le bout de son nez dans son esprit.

       – Tu te souviens de ce que l’on a dit ?

    Elle essaya de se concentrer sur ce que son tuteur lui disait. Nathanaël revoyait avec elle les différents points à respecter pour une année, selon lui, sans accroc.

    – Je fais profile bas, je joue l’élève modèle mais pas trop, assez pour apporter des points à ma maison mais pas trop pour ne pas susciter de jalousie, je ne frappe personne, et je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas. J’ai oublié quelque chose ?

    – Oui, dit-il avec son sourire chaleureux. Tu essayes de faire une scolarité normale et peut-être de te faire des amis pour une fois ?

    – Ça, ce n’est pas moi qui décide Nath’…

    – Je suis sûr que tu vas y arriver.

    – Tu as dit ça toutes les fois précédentes…

    – Cette fois c’est différent.

    En effet, c’était différent. Tout était différent. Ce monde était complètement à part. Elle venait de passer à travers un mur pour prendre un train qui l’emmènerait vers une école de magie. Elle allait apprendre à jeter des sorts et à fabriquer des potions pendant que cette idiote de Suzie Lucas continuerait de séduire tous les garçons du collège avec sa mini-jupe de pom-pom girl et que son frère de l’équipe de football menacerait les élèves timides pour qu’ils lui fassent ses exercices de math.

    Légèrement bousculée par les familles qui se pressaient sur le quai, Emily fut arrachée à ces souvenirs qui lui donnaient littéralement envie de vomir. Voir tout ce monde raviva dans sa mémoire l’image du jeune homme qu’elle avait bousculé à la Ménagerie Magique. Elle se demanda s’il prenait le train lui aussi mais n’eut pas le temps de regarder d’avantage aux alentours que le moment de monter à bord fut arrivé. Nathanaël la serra contre lui et lui demanda encore une fois, caché sous la capuche de son manteau :

    – Tu te souviens du plus important ?

    – Tu gardes un œil sur moi, lui dit-elle avec un sourire.

    Il se décala pour mieux la regarder en lui caressant les cheveux de ce geste paternel qu’il avait eu si souvent à son égard toutes ces années. Il était ce qui se rapprochait le plus d’un père pour elle et cette nouvelle aventure était quelque chose de nouveau pour tous les deux. L’émotion commençait à s’installer et ils décidèrent tous deux qu’il valait mieux qu’elle n’attende plus pour prendre son train. Après une dernière embrassade elle laissa donc Nathanaël sur le quai et monta dans le train, la cage de Saphir à la main.

    Elle chercha tant bien que mal un wagon vide afin d’éviter d’avoir à expliquer sa situation avant d’arriver à Poudlard. Elle préférait qu’ils soient sur le fait accompli et être plus ou moins protégée par la présence des professeurs dans le cas où cette exception qu’elle ne comprenait pas elle-même serait mal vue. Elle referma la porte du wagon derrière elle et libéra Saphir qui bondit sans attendre pour aller s’installer sur une des banquettes de tissu rouge. Emily s’assit à côté de lui et entreprit de terminer son livre sur l’Histoire de Poudlard. Bientôt, pourtant, elle fut dérangée par une petite tête blonde aux cheveux bouclés. La jeune fille semblait étonnamment jeune, même en admettant qu’elle soit en première année. Elle semblait hésitante ce qui poussa Emily à prendre les devants :

    – Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

    – Est-ce que je peux m’assoir ici ? Les autres n’arrêtent pas de m’embêter…

    Elle avait la voix d’une fillette à l’image de son physique. Des boucles blondes encadraient son visage enfantin et ses yeux marron clair pétillaient d’innocence. Bien qu’elle soit d’ordinaire assez solitaire, Emily ressentit instantanément de la sympathie pour cette jeune fille. Elle n’avait certes pas le même instinct que Nathanaël, mais il lui sembla qu’elle ne risquerait rien à faire le voyage avec elle.

    – Oui bien sûr, installe-toi, dit-elle avec un sourire rassurant. Comment tu t’appelles ? lui demanda-t-elle.

    – Lydi et toi ?

    – Emily. Tu es en première année ?

    Emy se surprenait à lui poser exactement le genre de questions qu’elle tenait elle-même à éviter. Elle ne savait pas pourquoi, cette petite – qui devait avoir tout juste deux ans de moins qu’elle – lui inspirait confiance.

    – Oui et toi ?

    – Hum… ça va être ma première année à Poudlard oui.

    Ce n’était pas un mensonge, elle n’avait jamais été à Poudlard. Elle n’avait pas envie de donner des raisons supplémentaires aux autres élèves de lui en vouloir. Ainsi elle faisait ce que son tuteur lui avait enseigné, elle s’appliquait à dire la vérité, même si celle-ci s’avérait incomplète. Lydi la regardait d’un air étrange, donnant l’impression qu’elle avait décelé que quelque chose n’allait pas dans sa réponse. Elle avait peut-être l’air jeune mais il était indéniable qu’elle était d’une extrême intelligence. Emily, qui commençait à se sentir mal à l’aise, nota dans un coin de son esprit de faire d’avantage attention et décida de changer de sujet.

    – Alors qu’est-ce qu’il se passe avec les autres ?

    – Ils se moquent de moi parce que je suis plus petite que tout le monde. Un des garçons de Serpentard m’a dit de retourner au jardin d’enfant.

    – Comment sais-tu que c’était des Serpentard ?

    – Certains avaient déjà leurs robes de sorciers. Le petit blason vert était cousu dessus.

    Elle fit une petite moue qui fit sourire Emily bien qu’elle la prenait tout à fait au sérieux.

    – Ne fait pas attention à eux. Les élèves de la maison où tu seras verront bien vite que tu es tout aussi forte et intelligente qu’eux.

    La fillette – bien qu’elle n’en soit pas vraiment une – lui lança un sourire radieux. Emily eut l’impression qu’elle ne s’en sortait pas si mal pour le moment.

    – Où est-ce que tu aimerais aller toi ? demanda Lydi.

    Emily hésita. Elle avait passé tout l’été à rêver d’aller à Gryffondor. Mais sur les derniers jours précédant cette rentrée, elle s’était demandée si cela était judicieux d’entrer dans la maison devenue la plus convoitée de l’école. Elle répondit néanmoins :

    – Je ne sais pas. Gryffondor a une superbe réputation mais je ne suis pas totalement fermée aux autres. De toutes façons, ce n’est pas nous qui choisissons, pas vrai ? Toi, tu as une préférence ?

    – Hum…oui. Tout sauf Serpentard ! dit-elle d’un air exagéré, avec une voix imitant le son grave de ce qu’Emily devina être celle du garçon qui s’était moquée d’elle un peu plus tôt.

    Les jeunes filles rirent ensemble. Bien que refusant de catégoriser les gens, Emily devait bien admettre que leur comportement vis-à-vis de Lydi ne jouait pas en leur faveur. Les gens bien à Serpentard se comptaient-ils sur les doigts d’une main ? Emily repensa à l’histoire de Lord Voldemort et un frisson la parcourut. Un puissant malaise l’habitait à nouveau, lui rappelant son mauvais pressentiment concernant son entrée à Poudlard. Ce terrible sorcier était certes définitivement vaincu, mais se pourrait-il que quelqu’un d’aussi malfaisant prenne la relève un jour ? Perdue dans ses pensées, elle finit par être ramenée à la réalité par Lydi.

    – Tu penses à Voldemort, pas vrai ? Tous ceux qui veulent éviter Serpentard y pensent. Ma mère n’ose toujours pas prononcer son nom après toutes ces années. C’est plus facile pour nous, nous n’étions pas nées.

    – Oui, c’est vrai…

    – Mais tu n’iras pas à Serpentard ! dit Lydi convaincue.

    – Comment le sais-tu ?

    – Tu es bien trop sympa.

    Emily sourit à nouveau. Il était vraiment rare que quelqu’un la trouve sympathique. C’était la deuxième fois qu’une personne lui adressait la parole pour autre chose que lui chercher des ennuis. Et ces deux fois s’étaient produit depuis qu’elle avait accepté d’intégrer le monde des sorciers. La dernière recommandation que lui avait fait Nathanaël lui revint à l’esprit : « fais-toi des amis pour une fois ». Il avait peut-être raison. Peut-être que cette fois ce serait différent ? Si cette école était si sûre que le laissait entendre la directrice et le professeur Londubat, peut-être qu’elle pourrait avoir une adolescence un peu plus normale, sans avoir à regarder par-dessus son épaule ? Les jeunes filles passèrent le reste du trajet dans la bonne humeur, et c’était dans un nouvel état d’esprit qu’Emily se rapprochait de l’école de Poudlard.



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