01/06/2022

Les descendants - Chapitre 2

 


    Londres. Emily n’arrivait pas à y croire. Elle qui avait passé toute sa vie à déménager sur tout le continent américain, et ce, essentiellement en voiture, allait pour la première fois de sa vie prendre l’avion et découvrir un nouveau pays ! À peine Nathanaël avait-il prononcé ce nom que la jeune fille avait accouru dans sa chambre pour faire sa valise. N'ayant que peu d’affaires – il fallait pouvoir être prêt rapidement à la moindre éventualité – le tout fut réuni assez rapidement. Elle aida ensuite Nathanaël à recouvrir les meubles. Ils partiraient le lendemain, à l’aube. Emily avait toujours trouvé étrange la facilité avec laquelle son tuteur dénichait leurs nouveaux chez eux, parvenait à l’inscrire dans des écoles tout en restant des plus discrets, obtenait leurs autorisations de séjour sans le moindre mal. Mais habituée à cela, elle ne s’étonna pas du fait qu’il ait déjà les billets d’avion et leurs VISA.

    – En fait, c’est le professeur McGonagall qui me les a donnés, dit-il en se grattant l’arrière du crâne, gêné.

    – Quoi ?! Mais elle ne doute vraiment de rien cette femme !

    – Emy… Je sais qu’elle peut paraitre froide aux premiers abords mais je pense vraiment qu’elle veut nous aider.

    La jeune fille fit la moue. Son tuteur avait en quelque sorte un don pour comprendre les gens. Elle avait pu voir tout au long de ces années qu’il ne se trompait jamais, que ce soit pour voir le bien ou le mal en chaque personne. Aujourd’hui pourtant, elle restait dubitative. Elle décida néanmoins de ne pas insister. À défaut de faire confiance à la directrice, elle lui faisait confiance à lui. Et c’était bien selon elle, le plus important.

 

*

 

    Le lendemain, ils se levèrent aux aurores. Après avoir mis les valises dans la vieille Cadillac beige dont Nathanaël avait fait acquisition en arrivant dans la région, et fait un dernier tour de la propriété afin de vérifier qu’ils avaient pris tout ce dont ils avaient besoin, la petite famille que formait ce duo prit la route pour l’aéroport de Houston. Bien que toujours inquiète au sujet de sa soudaine admission à Poudlard, Emily Jonson était tout excitée à l’idée de cette nouvelle aventure. Elle laissait ses cheveux blond vénitien battre au gré du vent, fouettant son visage par intervalles irréguliers. Une myriade de questions se bousculaient dans son esprit : comment était la vie dans le monde des sorciers ? Parviendrait-elle cette fois à se faire accepter ? Aurait-elle des amis ? Bien qu’elle eût appris à s’accommoder de la solitude dans laquelle ils s’étaient enfermés par obligation, malgré ses airs de « je n’ai besoin de personne », Emily s’était laissée aller à imaginer une nouvelle vie durant la nuit qui s’était écoulée avant leur départ. Une vie où elle aurait trouvé sa place, où ils n’auraient plus besoin de fuir. Où son tuteur pourrait avoir une vraie vie, lui aussi. Le professeur McGonagall venait de leur offrir quelque chose d’attrayant et de dangereux à la fois : l’espoir. Et Emily redoutait le moment où, une fois encore, tout s’effondrerait pour laisser place à leur inévitable quotidien, la fuite. Ils arrivèrent bientôt à l’aéroport et Nathanaël se gara sur une place au fond du parking.

    – Qu’allons-nous faire de la voiture ?

    – J’ai bien peur que nous ne devions nous en séparer, dit-il, dégrafant sa ceinture et quittant l’habitacle.

    Ce n’était pas la première fois qu’ils devaient laisser des affaires derrières eux, et surement pas la dernière. Elle ne savait même pas s’ils reviendraient dans la maison qu’ils avaient quittée quelques heures plus tôt. Mise à part la bague surmontée d’un rubis à son majeur gauche, elle avait appris à ne pas s’attacher aux biens matériels.

    Emily rejoignit Nathanaël à l’extérieur et l’aida à extirper les valises de la voiture sans plus de cérémonie. Bientôt le duo arriva dans le hall de l’aéroport. L’endroit était gigantesque et la soudaine idée qu’elle pourrait se perdre poussa la jeune fille à se rapprocher de son tuteur. Il y avait trop de monde, trop de bruit, elle avait l’impression d’être un chat apeuré.

    – Ne t’en fais pas, suis-moi, fais comme moi et tout ira bien.

    Elle se faufila dans la masse des personnes présentes en prenant soin de ne pas le perdre de vue. L’attente pour l’enregistrement fut longue, interminable, et Emily commença à penser que McGonagall était une vraie sadique. Lorsqu’ils eurent enfin déposé leur bagage en soute, ils purent se diriger au contrôle de sécurité. Elle regardait comment les autres faisaient avec minutie et se sentit devenir blafarde lorsqu’elle réalisa qu’il fallait se démunir de tous métaux.

    – Nath, dit-elle en chuchotant. On a un problème.

    – Ne t’inquiète pas, lui répondit-il en comprenant à quoi elle faisait allusion, tu ne l’enlèveras que quelques secondes et dès que tu seras de l’autre côté tu pourras la remettre.

    Cela semblait simple, en théorie. Sauf qu’arrivée de l’autre côté, elle constata avec effroi que sa bague n’était plus dans le bac.

    – Oh non.

    – Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda Nathanaël qui avait passé le portique juste après elle.

    – J’ai perdu ma bague ! Elle n’est plus là !

    Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, la panique la gagner. Au-delà, de l’utilité de l’objet, elle s’y était attachée. C’était la seule chose qui l’avait toujours suivi dans leur périple pour la survie. Nathanaël se dirigea vers l’agent de sécurité pour lui demander si la bague n’était pas tombée mais après de longues minutes de recherche, il fallait se rendre à l’évidence, elle avait disparu.

    – Ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu s’envoler ! criait Emily.

    Les gens commencèrent à se tourner vers eux, alertés par les cris.

    – Emy calme toi…

    – Que je me calme ?! Mais c’est un complot ! Cette vieille bique a certainement dû tout prévoir sous ses airs de mère Thérèsa !

    Bien que réalisant à quel point l’image ne collait pas au personnage, Emily se voyait prise par des scénarios incohérents. Nathanaël quant à lui essaya d’expliquer à l’agent qu’il s’agissait d’un vrai rubis et ce dernier lui fournit un document de déclaration de perte qu’il remplit rapidement avant d’entrainer sa protégée dans la salle d’embarquement.

    – Écoute, on va la retrouver d’accord ? Mais pour l’instant il va falloir te calmer. Je te promets que je la récupèrerai.

    – Comment on va faire s’il s’avère que j’en ai besoin ?

    – Je la récupèrerai avant qu’un évènement fâcheux ne se produise. Promis.

    Il lui caressa les cheveux un air paternel et la jeune fille se blottit contre lui avant de se détendre. Elle ne savait pas comment il allait s’y prendre mais une chose était sûre, Nathanaël tenait toujours ses promesses.

 

*

 

    Arrivés à Londres, les deux voyageurs ne prirent pas réellement le temps de se reposer. À peine s’étaient-ils rafraîchis qu’ils quittaient déjà l’hôtel pour se rendre dans un lieu mystérieux sur lequel Nathanaël refusait d’en dire plus à Emily. La jeune fille s’émerveillait du changement radical qu’imposait Londres aux grandes villes américaines. Les fameuses cabines téléphoniques rouges dont elle se demandait si l’on s’en servait toujours à l’heure de la haute technologie, les bus rouges à deux étages, le Big Ben que l’on voyait de loin tel un far guidant les marins vers le port. Elle s’amusait à prendre des photos avec son petit appareil numérique. Elle avait un énorme cahier de voyage relatant toute leur vie à Nathanaël et elle, tout du moins la partie qu’ils avaient partagé ensemble. Emily n’avait pu connaitre ses parents. Rien n’était sûr mais il semblait qu’ils étaient décédés peu après sa naissance. Nathanaël, qui travaillait alors dans un orphelinat, l’avait élevé comme sa fille. Possédant la capacité de voir ce qu’il y avait de différent en elle, il l’avait toujours protégé de tout danger. Tout du moins, jusqu’à présent. Elle commença à remettre ce dernier point en question lorsqu’il la fit entrer dans un pub miteux et sombre, fréquenté par des gens on ne peut plus bizarres, voir effrayant.

    – Nath’, dit-elle entre ses dents, où sommes-nous ?

    – Au Chaudron Baveur Emy !

    À la mention du mot « chaudron » la jeune fille fit rapidement le lien avec le monde des sorciers et remit à nouveau en doute l’envie d’en faire partie.

    – Bonjour ! dit-un homme depuis le bar du pub.

    L’homme grand aux cheveux bruns, d’une quarantaine d’année environ, enleva son tablier et se dirigea vers eux.

    – Tu dois être la nouvelle élève de troisième année. Je suis Monsieur Londubat, j’enseigne la botanique à Poudlard. Et… j’aide ma femme à tenir le pub pendant les vacances.

    L’homme lui tendit la main qu’elle serra non sans hésitation. Bien qu’il semblât gentil, Emily avait vraiment du mal avec ce soudain non-anonymat qui la suivait. Comme devinant ses pensées le professeur poursuivit :

    – Le professeur McGonagall m’a prévenu de votre arrivée.

    Il serra la main de Nathanaël avant de les inviter à le suivre à l’arrière du pub. Lorsqu’ils se retrouvèrent dans un cul-de-sac, l’adolescente en fut certaine, toute cette histoire était un piège et ils y étaient tombés comme des débutants. Nathanaël posa néanmoins une main sur son épaule pour la calmer. Le professeur Londubat, loin de se douter de l’agitation de la jeune fille, sortit ce qui était sans nul doute une baguette magique et tapota le mur de brique. Emy fronça les sourcils en se demandant ce qu’il était censé se passer. Elle ouvrit alors la bouche en grand et fit les yeux ronds lorsque le mur s’ouvrit littéralement devant eux, dévoilant une rue animée, où certains adolescents de son âge étaient habillés d’une robe noire et d’un chapeau pointu.

    – Bienvenue au Chemin de Traverse, Emy, lui dit Nathanaël, satisfait de l’effet que cette surprise avait sur sa pupille.

    – On se revoit à la rentrée Emily, dit le professeur Londubat.

    À…à bientôt professeur.

    La jeune fille en avait perdu son latin. Jamais elle n’aurait imaginé qu’un monde tel que celui-ci coexistait avec le sien, si terne et si morne. Tout d’un coup l’idée de s’habiller comme pour une soirée d’Halloween ne lui parut plus aussi étrange. Ils firent les magasins les uns après les autres, achetant méticuleusement ce qui était inscrit sur la liste. Elle entra dans une boutique de baguettes et en ressortit, soulagée, après avoir failli assommer le vendeur au moment de tester l’avant dernière baguette.

    Ça me tue de le dire, mais je pense que je commence à comprendre de quoi parlait le professeur McGonagall lorsqu’elle disait avoir peur que je ne crève un œil à quelqu’un.

    Nathanaël et elle se mirent à rire, repensant à l’expression du vendeur de baguette qui semblait la voir comme une catastrophe ambulante. Emy s’arrêta soudainement afin de poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis la première boutique.

    – Nath’, d’où vient tout cet argent ?

    – Du professeur McGonagall. Il semblerait qu’il y ait un compte à ton nom à la banque des sorciers. Elle a pris la liberté de retirer ce dont tu aurais besoin. Je pense que j’ai oublié la clé dans une des valises.

    – Ce n’est pas grave, de toute façon je te la laisse. Je ne saurais pas quoi en faire. Mais dis-moi…qui a ouvert ce compte ?

    – Je n’en sais pas plus que toi. Peut-être tes parents ? Peut-être McGonagall elle-même mais sans vouloir l’admettre.

    – Pourquoi ferait-elle ça ? Pourquoi fait-elle tout cela ?

    Face aux nombreuses questions de sa protégée, le protecteur commençait à avoir du mal à garder secret les révélations que lui avait fait la directrice. Il allait vraiment falloir qu’il ait une discussion avec la sorcière, mentir n’était pas dans sa nature et la dissimulation avait ses limites.

    – Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse mais je n’ai décelé aucune méchanceté en elle. S’il y a une chose que j’ai appris auprès d’Albus, c’est que le monde des sorciers est doté de mystères illimités, mais aussi que les professeurs de Poudlard sont tous honnêtes et dignes de confiance… lorsqu’ils ne sont pas envoyés par le ministère, tout du moins l’ancien.

    – Le ministère ?

    – Le ministère de la magie. Il va vraiment falloir que tu rattrapes ton retard avant la rentrée, dit-il avant d’entrer dans ce qui semblait être une animalerie.

    – Que faisons-nous là ?

    – Tu n’as pas lu ? Tu as droit à un animal de compagnie.

    – C’est vrai ?! dit la jeune fille des étoiles plein les yeux.

    Emily avait toujours rêvé d’en avoir un. Ayant des difficultés à se faire des amis, elle voyait en un animal de compagnie la possibilité de nouer une relation avec quelqu’un d’autre que son tuteur – tout du moins un autre être vivant. Cependant les déménagements successifs rendaient la chose trop complexe, elle avait donc dû renoncer à cette idée, jusqu’à aujourd’hui.

    Que Nathanaël ait changé d’avis la ravissait au plus haut point. Se sentant comme une petite fille le jour de Noël, elle parcourut le magasin en s’extasiant devant la multitude d’animaux proposés. Certains étaient étranges et elle était certaine qu’ils n’en existaient pas dans le monde des « moldus », comme ils disaient. Une vieille dame qui s’occupait des hiboux lui donna plus d’informations sur les différentes races. Elle lui rappela alors, devinant qu’elle était élève à Poudlard, que tous les animaux n’étaient pas admis. Emily la remercia et sortit sa liste de sa poche.


… Chaque élève a le droit d’avoir un chat, un hibou ou un crapaud…

 

    Un crapaud ? Qui pourrait vouloir d’un crapaud ?

    – Nath’ ! Tu as vu on a le droit d’avoir un crapaud, dit-elle en pouffant, mais qui pourrait vou…

    La jeune fille qui continuait de regarder sa liste – et non son chemin – était entrée en collision avec quelqu’un. Quelqu’un qui devait vraisemblablement tenir une pile de livres dans ses bras puisque le sol fut aussitôt recouvert d’ouvrages et ce, dans un bruit sourd de couvertures en cuire impactant le parquet en bois.

    – Oh ! Je suis vraiment désolée, dit-elle confuse en se précipitant pour aider le malheureux à ramasser ses livres. J’espère que je n’ai rien abimé.

    – Ce n’est rien, ne t’inquiète pas.

    Emily releva les yeux vers le jeune homme qu’elle avait heurté. Il avait les yeux verts à l’instar des siens, bien qu’un peu moins vif, et des cheveux noirs mi-longs. Elle l’aida à ramasser les derniers livres et s’excusa à nouveau.

    – Tu es élève à Poudlard ? lui demanda-t-il en se relevant. Il ne me semble pas t’avoir déjà vu.

    Emy ne s’attendait pas à ce qu’il lui fasse la conversation. Sa vie sociale avait été assez limitée jusqu’à présent et les rares fois où elle avait eu des échanges avec d’autres personnes – en dehors de Nathanaël – cela s’était avérée être une expérience assez houleuse. Emily était prise au dépourvue. Le jeune homme en face d’elle semblait en aucun cas rechercher le conflit alors même qu’elle venait de le bousculer violemment.

    – Je…Euh…Je fais mon entrée à la rentrée prochaine, finit-elle par répondre.

    – Oh ! On se reverra là-bas alors. Je suis en troisième année.

    – Oh…

    Emily hésita à préciser qu’elle serait, elle aussi en troisième année. Cependant il lui sembla judicieux d’éviter les questions auxquelles elle n’était pas préparée pour le moment.

    – Tu as choisi un animal ?

    Ayant été arrachée à ses pensées, elle mit quelques secondes avant de répondre.

    – Euh… Non, pas encore. J’étais en train de faire le tour quand…

    – Quand tu m’es rentrée dedans, dit-il en souriant.

    – Oui, encore désolée, dit-elle, accompagnant ses excuses d’une petite grimace contrite.

    – Ce n’est pas grave. Et pour répondre à ta question, le professeur Londubat avait un crapaud lorsqu’il est entré à Poudlard.

    – Vraiment ?

    Elle se remémora l’homme qu’elle avait vu au Chaudron Baveur un peu plus tôt dans la journée. L’idée l’amusait et le fait de savoir que quelqu’un pourrait peut-être lui raconter des anecdotes de Poudlard lui semblait des plus attrayante.

    – Je t’en raconterai plus quand on se reverra si tu veux, mes parents m’attendent.

    Il pointa le doigt vers un couple qui discutait à l’extérieur, un homme grand aux cheveux bruns en batailles parsemés de quelques mèches grises et une femme aux cheveux roux flamboyant.

    – Oh ! Bien sûr ! Je ne voulais pas te retarder.

    Ce n'est rien, n'en parlons plus ! Il y a des chats à l’étages si jamais ça t’intéresse.

    Les yeux de la jeune fille s’illuminèrent instantanément, c’était exactement ce qu’elle recherchait.

    – Super ! Je vais aller voir ça ! Merci.

    – De rien…

    Sans plus attendre Emy monta l’escalier en colimaçon en courant, laissant derrière elle le jeune homme éblouit par sa chevelure rousse aux reflets de miel et ses yeux couleur émeraude.



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