12/06/2022

Les descendants - Chapitre 4

 



    Le train était arrivé en début de soirée en gare. Emily et Lydi avaient enfilé leur robe de sorcière tandis que Saphir était retourné non sans difficulté dans sa cage de transport. Emily savait qu’elle allait devoir se séparer de son nouveau compagnon jusqu’à la fin de la soirée et, laisser ce petit animal lui fendait le cœur. Sous ses airs de fille indépendante et forte se cachait une personne très sensible à la nature environnante. C’est donc le cœur lourd qu’elle laissa le petit chat seul sur la pile que formait ses trois valises, miaulant sa peine de se sentir abandonné.

    Lydi lui tira la manche tandis qu’elle regardait, la bouche grande ouverte, vers la locomotive en tête du train. Un homme gigantesque les attendait. Tout le monde connaissait Hagrid. Ce dernier, fidèle à Albus Dumbledore et grand ami du célèbre Harry Potter, avait une part importante dans l’Histoire de Poudlard. Grand homme – au sens figuré comme au sens propre du terme –, il fallait avouer qu’il était encore plus impressionnant en vrai que ce que laissait entendre les livres. Emily était assez fière de pouvoir remettre dans leur contexte tout ce qu’elle avait appris au cours de l’été. Bien qu’ayant découvert le monde des sorciers depuis peu, elle avait travaillé d’arrachepied pour essayer d’en savoir le plus possible et être prête pour cette rentrée. Cette nouvelle aventure était en quelque sorte leur dernière chance d’être un tant soit peu heureux, et elle voulait mettre toutes les chances de son côté et, par-dessus tout, ne pas décevoir Nathanaël. C’est ainsi qu’elle avait dévoré tous les livres qu’elle pouvait en ce court laps de temps et qu’elle s’était préparée. Cependant, lorsqu’Hagrid invita les premières années à le suivre, la jeune fille eut un moment d’hésitation. Devait-elle entrer en même temps que les autres ? Un semi-géant devait avoir une vue imprenable sur des humaines n’ayant pas encore atteint leur taille adulte, car il sembla l’avoir repéré à son air perdu.

    – Tu dois être Miss Jonson ? dit-il après s’être rapproché d’elle. Le professeur McGonagall m’a parlé de toi. Tu viens avec nous, tu passes en même temps que les autres.

    Il avait un petit sourire qui se voulait rassurant. Malheureusement, Emily sentait déjà les regards interrogateurs lui bruler la nuque. Ce moment amicale et joyeux qu’elle avait passé avec Lydi lui semblait désormais plus qu’en péril. Il était certain que la jeune fille ne lui pardonnerait pas de l’avoir ainsi dupée, et les autres non plus. Pourtant, cette dernière sembla être la seule à ne pas s’être formalisée de l’échange qu’il venait d’y avoir entre sa nouvelle amie et Hagrid. En effet, Lydi, bien que n’ayant rien dit, avait bien vu le malaise qui s’était affiché sur le visage d’Emily lorsqu’elle lui avait demandé en qu’elle année elle était. Elle était peut-être petite, mais il n’était pas très difficile de remarquer qu’Emily était bien trop grande et trop mâture pour être en première année. Les deux jeunes filles suivirent donc Hagrid lorsque tout le monde fut regroupé, afin de se diriger vers les barques qui les mèneraient à Poudlard.

    À quelques mètres de là, le jeune homme brun de la ménagerie magique ne les quittait pas des yeux, ayant repéré la chevelure roux-clair tant recherché. Il l’avait vu déposer la cage d’un chat sur une pile d’affaires et en avait souri bêtement, se disant qu’elle l’avait adopté un peu grâce à lui.

    – Alors tu viens ? lui dit son frère en lui donnant une tape sur l’épaule. Les dernières calèches vont bientôt partir.

    – Oui j’arrive.

  Il s'apprêta à lui emboiter le pas mais, alors que les divers effets des premières années étaient emportés, un petit éclat brillant tombant d’une des valises de la jolie rousse attira son attention. Il décida alors de récupérer l’objet pour le lui rendre plus tard et rejoignit son frère et leurs amis pour le début de la cérémonie, curieux de savoir quelle maison aurait la chance d’accueillir la nouvelle venue.


*


    La balade dans les barques fut féérique. L’attention de tous les premières années étaient happée par la magie des lieux. Arrivant par le lac, le château de Poudlard les surplombait de toute sa majestuosité, rendant le tableau encore plus impressionnant qu’il ne pouvait déjà l’être. Arrivés sur la rive, ils descendirent et suivirent Hagrid vers l’entrée de l’école. Il poursuivit sa route jusqu’à pénétrer dans l’immense bâtiment qui allait devenir pour l’année scolaire à venir, leur nouvelle école mais aussi leur nouvelle demeure. Ils montèrent les escaliers à la suite du géant, non sans crainte. Les escaliers étaient connus pour être capricieux mais, ce soir, ils semblèrent respecter la direction voulue par le garde-chasse et professeur de soin aux créatures magiques. Ils s’arrêtèrent enfin en haut d’un escalier où les attendait Neville Londubat. Ce dernier lança un sourire chaleureux à l’attention d’Emily tandis qu’Hagrid lui laissait le flambeau.

    – C’est ici que je vous laisse, leur dit Hagrid. Neville…Enfin, le professeur Londubat, va prendre la suite.

    – Je crois que je commence à me sentir mal, chuchota Emy, plus pour elle-même que pour réellement avoir une réponse.

    Cependant Lydi qui ne l’avait pas quitté depuis le voyage en train l’avait entendu et lui dit de sa petite voix d’enfant si réconfortante :

    – Ne t’inquiète pas, on ressent tous la même chose mais ça va aller. Ce n’est qu’un court moment à passer après tout.

    Emily lui rendit son sourire de manière un peu forcée. C’était plus compliqué que cela mais la petite Lydi, n’étant pas dans la confidence, ne pouvait pas s’en douter.

    Le professeur Londubat leur expliqua quelques règles de l’école, le système des points mais aussi que leur maison serait leur nouvelle famille. Emy sourit en repensant à ce que lui avait raconté Neville sur son discours. Celui de McGonagall l’avait tellement marqué lorsqu’il était lui-même entré à Poudlard – même s’il l’avait interrompu à cause de son crapaud – qu’il avait décidé de fortement s’en inspirer.

    – …bien que dans des maisons différentes, n’oubliez pas que vous êtes tous égaux, que même si vous n’appartenez pas à une maison, cela ne signifie pas que vous ne détenez pas de ses qualités en vous. Et enfin, rappelez-vous le règlement est le même pour tout le monde, qu’importe la noblesse de vos actes.

    Cette dernière phrase arracha aux nouveaux élèves un sourire entendu. Tous connaissaient son passé commun avec celui du célèbre Harry Potter.

    – Très bien ! C’est le grand moment ! Suivez-moi.

    Les élèves le suivirent jusque devant la porte de la Grande Salle. Celle-ci s’ouvrit et les élèves purent constater à quel point cette salle portait bien son nom. Emily sentit son estomac se nouer davantage en voyant le nombres d’élèves présents, assis chacun à la table correspondant à leur maison. Elle sentait sa bouche devenir sèche et ses mains moites.

    – Regarde le ciel !

    Lydi était toute émerveillée face au plafond magique. Elle avait encore plus l’air d’une enfant à cet instant et Emily sentit une petite pointe au cœur à l’idée que leur amitié naissante puisse prendre fin prématurément.

    Après avoir parcouru la salle qui avait semblé à Emily faire des kilomètres de long, le petit groupe s’arrêta aux pieds de l’estrade où étaient assis les professeurs. Le professeure McGonagall était installée derrière une sorte de pupitre dont le socle était surmonté d’un immense oiseau en bronze. Elle instaura le silence et fit signe à Neville qu’il pouvait commencer. Il monta quelques marches pour prendre le Choixpeau et déroula la liste des élèves.

   Commença alors la répartition. Chaque élève était appelé par ordre alphabétique et, lorsque le Choixpeau donnait son verdict, la table de la maison concernée accueillait le ou la nouvelle venue sous des tonnerres d’applaudissement. Jusqu’à présent, il y eu deux Serpentard – dont Lydi chuchota à l’oreille d’Emily être parmi les élèves qui s’étaient moqués d’elle dans le train. Ainsi ils savaient déjà où ils finiraient, se dit Emily. Deux Serdaigle, une Poufsouffle et une Gryffondor avaient suivi.

    – Regarde derrière nous, c’est Lily Potter, lui dit Lydi en chuchotant.

    Emily se retourna et aperçut une jeune fille aux cheveux roux un peu plus vifs que les siens. Elle ne s’attarda pas et se pencha à nouveau vers Lydi pour lui glisser à voix basse.

    – Elle ira forcément à Gryffondor.

    – Détrompe-toi, lui dit Lydi. Il parait que l’un des frères Potter est à Serpentard.

    Emily fit une petite grimace. Elle se demandait comment l’avait vécu le jeune homme. Son père avait-il été déçu ?

    – Emily Jonson !

    Le cœur d’Emily s’arrêta. Elle déglutit difficilement et quitta le groupe d’un pas mal assuré afin d’aller s’assoir sur le petit tabouret à côté du professeur Londubat. Encore une fois, il se voulut rassurant envers elle puis se tourna vers le professeur McGonagall. Bien que lui tournant désormais le dos, Emily savait déjà ce qu’il allait se passer. Elle aurait juste préféré qu’ils le fassent avant qu’elle ne soit assise face à tous, telle une sorcière attendant son jugement sur le bûcher. Ils avaient tous le regard posé sur elle et elle réalisa pleinement à cet instant que faire profil bas serait impossible.

    – Très chers élèves, commença le professeur McGonagall. Comme vous le savez tous, la cérémonie de répartition des maisons est un passage obligatoire pour chaque nouvel élève à Poudlard. L’élève, ainsi placé dans une maison, commence sa scolarité en première année. Cependant, une exception va avoir lieu cette année puisque notre école va intégrer une nouvelle élève, Miss Jonson, directement en troisième année compte tenu de son âge…

    Des murmures commencèrent à être échangés dans la grande salle devenant rapidement un brouhaha insupportable pour la jeune fille dont il était question. Son regard croisa celui de Lydi, compatissant. Elle chercha ailleurs espérant que ses plus grandes craintes étaient infondées mais ils étaient désormais tous occupés à faire des suppositions surement les plus farfelus les unes que les autres à son sujet. Tous, sauf un. Elle le repéra par le fait qu’elle l’avait déjà vu auparavant. Il la regardait en souriant, lui aussi semblant ne pas porter grande importance à ce saut de classes inexpliqué. Il était assis en bout de table, ce qui donnait une impression de léger retrait vis-à-vis des autres élèves. Elle réalisa alors qu’il était à la table des Serpentard.

    – Un peu de silence je vous prie !

    Le professeur McGonagall venait de se faire entendre d’une voix forte et raisonnante.

   – Bien qu’étant l’objet d’une telle exception, Miss Jonson sera une élève à la même enseigne que vous tous ici présent et suivra absolument le même règlement. Je vous prie donc de l’accueillir comme n’importe quel autre élève.

    Elle semblait avoir terminé car le professeur Londubat lui demanda en chuchotant :

    – Prête ?

    – Pas vraiment mais finissons-en, dit Emily en serrant des dents.

   Le professeur plaça le Choixpeau sur sa tête qui émit un hoquet surpris, la faisant elle-même sursauter. Tous étaient attentifs, impatient et redoutant à la fois ce que le Choixpeau allait dire. Cependant, il n’était pas encore prêt à donner une réponse. Emily l’entendit lui parler dans son esprit :

   – Je pourrais sans aucune difficulté t’envoyer à Gryffondor. Après tout, là serait ta juste place. Pourtant, je vois dans ton esprit que tu n’es pas sûre de vouloir y être.

    Emily avait repassé encore et encore son désir d’aller à Gryffondor dans son esprit. Intégrer cette maison dont les valeurs semblaient tant lui correspondre avait été son souhait tout l’été. Mais elle réalisait avec encore plus de force que cela allait attirer encore plus l’attention sur elle. Elle qui avait promis à Nathanaël de ne pas se faire remarquer. Elle qui aurait aimé passer inaperçue et faire une scolarité comme les autres élèves. Il lui semblait de plus en plus que c’était une mauvaise idée. Elle devait renoncer à cette maison si elle voulait essayer de réparer les pots cassés de ce soir.

    – Très bien je respecte ton choix. Hum… oui tu seras très bien à… POUFSOUFFLE !

    Les élèves de Poufsouffle l’applaudirent bien que certains le fissent avec peu d’enthousiasme. Elle alla s’assoir à la table et lança un petit sourire gêné à ses camarades. Ceux qui étaient à côté d’elle commencèrent à l’interroger mais, heureusement, McGonagall leurs rappela que la répartition n’était pas terminée. La cérémonie se poursuivit, la maison Poufsouffle voyant ses rangs s’agrandir au même titre que les autres maisons. Lily Potter, comme elle l’avait prédit, était entrée à Gryffondor avec fierté. Vint enfin le tour de Lydi qui était la dernière élève restante.

    – Lydia Wayatt !

    Un petit sourire se dessina sur les lèvres d'Emy en apprenant que Lydi lui avait donné le droit de l’appeler par son surnom. Cette dernière monta les marches et s’installa sur le tabouret. Elle était tellement petite que ses pieds ne touchaient pas le sol.

    – Il manquerait plus qu’on se coltine l’avorton, entendit dire Emily, un garçon de Poufsouffle à la peau mate, qui semblait avoir à peu près son âge.

    Emily fronça les sourcils mais ne dit rien, faisant comme si elle n’avait rien entendu alors qu’elle bouillait de l’intérieur.

    – Poufsouffle !

    Un large sourire se dessina sur les visages d’Emily et de Lydi, ravies de se retrouver dans la même maison. Emy frappa dans ses mains à s’en faire mal tellement elle était heureuse de retrouver sa nouvelle amie dans cette aventure. Cette dernière vint s’assoir à côté d’elle et les deux jeunes filles rirent ensemble, complices.



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06/06/2022

Les descendants - Chapitre 3

 


    – Mince alors ! Il était sacrément coriace ce type !

    – Coriace et effroyablement puissant.

    Emily et Nathanaël étaient installés à une table du Chaudron Baveur. Suite à l’invitation de Neville Londubat et de sa femme, ils avaient décidé de quitter leur hôtel près de l’aéroport pour loger au pub jusqu’à la rentrée. Emily aurait juré que l’établissement avait l’air plus sombre et peu fréquentable la première fois qu’ils y avaient posé les pieds. Aujourd’hui, il avait tout simplement l’air d’une de ces auberges que l’on rencontre dans les récits arthuriens. Ils étaient attablés, prenant leur petit-déjeuner, Emily lisant avec passion un livre d’Histoire du monde de la magie tandis que Nathanaël se maintenait au courant des dernières nouvelles via un journal dont les photos étaient animées. Emy découvrait chaque jour ce monde où dire que tout était plus vivant était un euphémisme. La magie semblait être en toute chose, si bien qu’elle n’aurait même plus été étonnée que la chaise ne lui demande de prendre ses aises. Elle avait momentanément stoppé sa lecture, distraite. Son regard se posa sur la gérante des lieux qui lui sourit tout en continuant d’essuyer les tables qui s’étaient vidées. Emily savait qu’il allait lui être étrange de voir Neville comme un professeur après avoir été dans son pub tout un été. Ce dernier avait laissé Hannah gérer seule l’établissement depuis quelques jours, retournant à Poudlard plus tôt pour préparer la venue des nouveaux élèves. La jeune adolescente avait appris que le professeur enseignait la botanique mais aussi qu’il était le directeur de la maison Gryffondor, succédant au professeure McGonagall qui ne pouvait plus tenir ce rôle par soucis d’équité envers les quatre maisons. Emily Jonson rêvait d’aller à Gryffondor. Sa baguette contenait, selon le vendeur, de la crinière de Lion mêlée à de la poudre de corne de Licorne. Elle avait été émerveillée, une fois encore, d’apprendre que ces créatures existaient réellement. Et le fait que sa baguette eût été fabriquée avec quelques poils du roi de la savane avait une signification toute particulière pour elle  signification qu’elle se gardera bien de taire pour le bien de tous.

    Au-delà du symbole, elle aimait les valeurs supportées par cette maison : leur courage, leur force. Les plus grands sorciers semblaient avoir été dans cette maison et elle espérait pouvoir y être à son tour. Elle ne pouvait néanmoins s’empêcher de penser que classer les élèves par catégorie était assez étrange lorsque l’on disait vouloir éviter que le passé ne se répète. Elle se demandait si les sorciers de Serpentard étaient vils et cruels dès le départ ou s’ils étaient formatés par ce que l’on pensait d’eux, par la réputation de leur maison. L’histoire du professeur Rogue n’avait pas manqué de la toucher. Il était la preuve qu’ils ne finissaient pas tous en fou assoiffés de pouvoir.

    Saphir sauta sur ses genoux et l’arracha à ses rêveries. Elle gratta la tête du chaton noir au poil brillant qui se mit à ronronner avant de se rouler en boule pour faire une sieste. Elle était tombée amoureuse du petit animal qu’elle avait repéré à la Ménagerie Magique. Il l’avait regardé de ses yeux bleus intenses et cela avait été comme une évidence. Ce serait lui, l’ami fidèle qui la suivrait dans cette nouvelle aventure. Sa maitresse repris sa lecture là où elle l’avait laissé. Elle devait absolument en savoir le plus possible avant son entrée à Poudlard. À défaut de savoir utiliser sa baguette – même le professeur Londubat n’avait pas réussi à lui faire comprendre pourquoi on passait par cet instrument pour lancer des sorts, ce qui valut comme résultat des échecs cuisants voir dangereux – elle pouvait au moins se rattraper sur d’autres matières et, surtout, ne pas avoir l’air d’être totalement ignorante au sujet du monde qu’elle venait d’intégrer. Elle s’était arrêtée à la grande bataille de Poudlard, celle qui avait marqué ce siècle et qui, on l’espérait, serait la dernière d’une telle gravité. Elle frissonna à l’idée qu’une telle personne ait pu exister. Aussi résistant que malfaisant, Voldemort avait très certainement été ce qu’il y avait de pire dans le monde de la magie, et Emy se voyait heureuse d’intégrer ce dernier après la disparition du mage noir.

 

*

 

    La rentrée fut vite arrivée et Emily Jonson vit son taux de stress multiplié par mille. Elle allait participer à la cérémonie de répartition des quatre maisons avec les premières années et elle appréhendait fortement tous les regards qui allaient se poser sur elle à l’annonce de son entrée directe dans la troisième. Hannah Abbot-Londubat lui avait expliqué comment se déroulait la grande soirée de rentrée et l’idée d’être assise sur un petit tabouret devant quatre immenses rangées de tables remplies de personnes ne l’avait pas particulièrement rassurée. Elle était désormais devant le Poudlard Express et sentait son estomac se tordre à l’idée de se retrouver avec tous ces gens qu’elle ne connaissait pas pour un trajet qui allait durer toute une après-midi. L’idée de faire marche-arrière commençait à poindre le bout de son nez dans son esprit.

       – Tu te souviens de ce que l’on a dit ?

    Elle essaya de se concentrer sur ce que son tuteur lui disait. Nathanaël revoyait avec elle les différents points à respecter pour une année, selon lui, sans accroc.

    – Je fais profile bas, je joue l’élève modèle mais pas trop, assez pour apporter des points à ma maison mais pas trop pour ne pas susciter de jalousie, je ne frappe personne, et je ne me mêle pas de ce qui ne me regarde pas. J’ai oublié quelque chose ?

    – Oui, dit-il avec son sourire chaleureux. Tu essayes de faire une scolarité normale et peut-être de te faire des amis pour une fois ?

    – Ça, ce n’est pas moi qui décide Nath’…

    – Je suis sûr que tu vas y arriver.

    – Tu as dit ça toutes les fois précédentes…

    – Cette fois c’est différent.

    En effet, c’était différent. Tout était différent. Ce monde était complètement à part. Elle venait de passer à travers un mur pour prendre un train qui l’emmènerait vers une école de magie. Elle allait apprendre à jeter des sorts et à fabriquer des potions pendant que cette idiote de Suzie Lucas continuerait de séduire tous les garçons du collège avec sa mini-jupe de pom-pom girl et que son frère de l’équipe de football menacerait les élèves timides pour qu’ils lui fassent ses exercices de math.

    Légèrement bousculée par les familles qui se pressaient sur le quai, Emily fut arrachée à ces souvenirs qui lui donnaient littéralement envie de vomir. Voir tout ce monde raviva dans sa mémoire l’image du jeune homme qu’elle avait bousculé à la Ménagerie Magique. Elle se demanda s’il prenait le train lui aussi mais n’eut pas le temps de regarder d’avantage aux alentours que le moment de monter à bord fut arrivé. Nathanaël la serra contre lui et lui demanda encore une fois, caché sous la capuche de son manteau :

    – Tu te souviens du plus important ?

    – Tu gardes un œil sur moi, lui dit-elle avec un sourire.

    Il se décala pour mieux la regarder en lui caressant les cheveux de ce geste paternel qu’il avait eu si souvent à son égard toutes ces années. Il était ce qui se rapprochait le plus d’un père pour elle et cette nouvelle aventure était quelque chose de nouveau pour tous les deux. L’émotion commençait à s’installer et ils décidèrent tous deux qu’il valait mieux qu’elle n’attende plus pour prendre son train. Après une dernière embrassade elle laissa donc Nathanaël sur le quai et monta dans le train, la cage de Saphir à la main.

    Elle chercha tant bien que mal un wagon vide afin d’éviter d’avoir à expliquer sa situation avant d’arriver à Poudlard. Elle préférait qu’ils soient sur le fait accompli et être plus ou moins protégée par la présence des professeurs dans le cas où cette exception qu’elle ne comprenait pas elle-même serait mal vue. Elle referma la porte du wagon derrière elle et libéra Saphir qui bondit sans attendre pour aller s’installer sur une des banquettes de tissu rouge. Emily s’assit à côté de lui et entreprit de terminer son livre sur l’Histoire de Poudlard. Bientôt, pourtant, elle fut dérangée par une petite tête blonde aux cheveux bouclés. La jeune fille semblait étonnamment jeune, même en admettant qu’elle soit en première année. Elle semblait hésitante ce qui poussa Emily à prendre les devants :

    – Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

    – Est-ce que je peux m’assoir ici ? Les autres n’arrêtent pas de m’embêter…

    Elle avait la voix d’une fillette à l’image de son physique. Des boucles blondes encadraient son visage enfantin et ses yeux marron clair pétillaient d’innocence. Bien qu’elle soit d’ordinaire assez solitaire, Emily ressentit instantanément de la sympathie pour cette jeune fille. Elle n’avait certes pas le même instinct que Nathanaël, mais il lui sembla qu’elle ne risquerait rien à faire le voyage avec elle.

    – Oui bien sûr, installe-toi, dit-elle avec un sourire rassurant. Comment tu t’appelles ? lui demanda-t-elle.

    – Lydi et toi ?

    – Emily. Tu es en première année ?

    Emy se surprenait à lui poser exactement le genre de questions qu’elle tenait elle-même à éviter. Elle ne savait pas pourquoi, cette petite – qui devait avoir tout juste deux ans de moins qu’elle – lui inspirait confiance.

    – Oui et toi ?

    – Hum… ça va être ma première année à Poudlard oui.

    Ce n’était pas un mensonge, elle n’avait jamais été à Poudlard. Elle n’avait pas envie de donner des raisons supplémentaires aux autres élèves de lui en vouloir. Ainsi elle faisait ce que son tuteur lui avait enseigné, elle s’appliquait à dire la vérité, même si celle-ci s’avérait incomplète. Lydi la regardait d’un air étrange, donnant l’impression qu’elle avait décelé que quelque chose n’allait pas dans sa réponse. Elle avait peut-être l’air jeune mais il était indéniable qu’elle était d’une extrême intelligence. Emily, qui commençait à se sentir mal à l’aise, nota dans un coin de son esprit de faire d’avantage attention et décida de changer de sujet.

    – Alors qu’est-ce qu’il se passe avec les autres ?

    – Ils se moquent de moi parce que je suis plus petite que tout le monde. Un des garçons de Serpentard m’a dit de retourner au jardin d’enfant.

    – Comment sais-tu que c’était des Serpentard ?

    – Certains avaient déjà leurs robes de sorciers. Le petit blason vert était cousu dessus.

    Elle fit une petite moue qui fit sourire Emily bien qu’elle la prenait tout à fait au sérieux.

    – Ne fait pas attention à eux. Les élèves de la maison où tu seras verront bien vite que tu es tout aussi forte et intelligente qu’eux.

    La fillette – bien qu’elle n’en soit pas vraiment une – lui lança un sourire radieux. Emily eut l’impression qu’elle ne s’en sortait pas si mal pour le moment.

    – Où est-ce que tu aimerais aller toi ? demanda Lydi.

    Emily hésita. Elle avait passé tout l’été à rêver d’aller à Gryffondor. Mais sur les derniers jours précédant cette rentrée, elle s’était demandée si cela était judicieux d’entrer dans la maison devenue la plus convoitée de l’école. Elle répondit néanmoins :

    – Je ne sais pas. Gryffondor a une superbe réputation mais je ne suis pas totalement fermée aux autres. De toutes façons, ce n’est pas nous qui choisissons, pas vrai ? Toi, tu as une préférence ?

    – Hum…oui. Tout sauf Serpentard ! dit-elle d’un air exagéré, avec une voix imitant le son grave de ce qu’Emily devina être celle du garçon qui s’était moquée d’elle un peu plus tôt.

    Les jeunes filles rirent ensemble. Bien que refusant de catégoriser les gens, Emily devait bien admettre que leur comportement vis-à-vis de Lydi ne jouait pas en leur faveur. Les gens bien à Serpentard se comptaient-ils sur les doigts d’une main ? Emily repensa à l’histoire de Lord Voldemort et un frisson la parcourut. Un puissant malaise l’habitait à nouveau, lui rappelant son mauvais pressentiment concernant son entrée à Poudlard. Ce terrible sorcier était certes définitivement vaincu, mais se pourrait-il que quelqu’un d’aussi malfaisant prenne la relève un jour ? Perdue dans ses pensées, elle finit par être ramenée à la réalité par Lydi.

    – Tu penses à Voldemort, pas vrai ? Tous ceux qui veulent éviter Serpentard y pensent. Ma mère n’ose toujours pas prononcer son nom après toutes ces années. C’est plus facile pour nous, nous n’étions pas nées.

    – Oui, c’est vrai…

    – Mais tu n’iras pas à Serpentard ! dit Lydi convaincue.

    – Comment le sais-tu ?

    – Tu es bien trop sympa.

    Emily sourit à nouveau. Il était vraiment rare que quelqu’un la trouve sympathique. C’était la deuxième fois qu’une personne lui adressait la parole pour autre chose que lui chercher des ennuis. Et ces deux fois s’étaient produit depuis qu’elle avait accepté d’intégrer le monde des sorciers. La dernière recommandation que lui avait fait Nathanaël lui revint à l’esprit : « fais-toi des amis pour une fois ». Il avait peut-être raison. Peut-être que cette fois ce serait différent ? Si cette école était si sûre que le laissait entendre la directrice et le professeur Londubat, peut-être qu’elle pourrait avoir une adolescence un peu plus normale, sans avoir à regarder par-dessus son épaule ? Les jeunes filles passèrent le reste du trajet dans la bonne humeur, et c’était dans un nouvel état d’esprit qu’Emily se rapprochait de l’école de Poudlard.



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01/06/2022

Les descendants - Chapitre 2

 


    Londres. Emily n’arrivait pas à y croire. Elle qui avait passé toute sa vie à déménager sur tout le continent américain, et ce, essentiellement en voiture, allait pour la première fois de sa vie prendre l’avion et découvrir un nouveau pays ! À peine Nathanaël avait-il prononcé ce nom que la jeune fille avait accouru dans sa chambre pour faire sa valise. N'ayant que peu d’affaires – il fallait pouvoir être prêt rapidement à la moindre éventualité – le tout fut réuni assez rapidement. Elle aida ensuite Nathanaël à recouvrir les meubles. Ils partiraient le lendemain, à l’aube. Emily avait toujours trouvé étrange la facilité avec laquelle son tuteur dénichait leurs nouveaux chez eux, parvenait à l’inscrire dans des écoles tout en restant des plus discrets, obtenait leurs autorisations de séjour sans le moindre mal. Mais habituée à cela, elle ne s’étonna pas du fait qu’il ait déjà les billets d’avion et leurs VISA.

    – En fait, c’est le professeur McGonagall qui me les a donnés, dit-il en se grattant l’arrière du crâne, gêné.

    – Quoi ?! Mais elle ne doute vraiment de rien cette femme !

    – Emy… Je sais qu’elle peut paraitre froide aux premiers abords mais je pense vraiment qu’elle veut nous aider.

    La jeune fille fit la moue. Son tuteur avait en quelque sorte un don pour comprendre les gens. Elle avait pu voir tout au long de ces années qu’il ne se trompait jamais, que ce soit pour voir le bien ou le mal en chaque personne. Aujourd’hui pourtant, elle restait dubitative. Elle décida néanmoins de ne pas insister. À défaut de faire confiance à la directrice, elle lui faisait confiance à lui. Et c’était bien selon elle, le plus important.

 

*

 

    Le lendemain, ils se levèrent aux aurores. Après avoir mis les valises dans la vieille Cadillac beige dont Nathanaël avait fait acquisition en arrivant dans la région, et fait un dernier tour de la propriété afin de vérifier qu’ils avaient pris tout ce dont ils avaient besoin, la petite famille que formait ce duo prit la route pour l’aéroport de Houston. Bien que toujours inquiète au sujet de sa soudaine admission à Poudlard, Emily Jonson était tout excitée à l’idée de cette nouvelle aventure. Elle laissait ses cheveux blond vénitien battre au gré du vent, fouettant son visage par intervalles irréguliers. Une myriade de questions se bousculaient dans son esprit : comment était la vie dans le monde des sorciers ? Parviendrait-elle cette fois à se faire accepter ? Aurait-elle des amis ? Bien qu’elle eût appris à s’accommoder de la solitude dans laquelle ils s’étaient enfermés par obligation, malgré ses airs de « je n’ai besoin de personne », Emily s’était laissée aller à imaginer une nouvelle vie durant la nuit qui s’était écoulée avant leur départ. Une vie où elle aurait trouvé sa place, où ils n’auraient plus besoin de fuir. Où son tuteur pourrait avoir une vraie vie, lui aussi. Le professeur McGonagall venait de leur offrir quelque chose d’attrayant et de dangereux à la fois : l’espoir. Et Emily redoutait le moment où, une fois encore, tout s’effondrerait pour laisser place à leur inévitable quotidien, la fuite. Ils arrivèrent bientôt à l’aéroport et Nathanaël se gara sur une place au fond du parking.

    – Qu’allons-nous faire de la voiture ?

    – J’ai bien peur que nous ne devions nous en séparer, dit-il, dégrafant sa ceinture et quittant l’habitacle.

    Ce n’était pas la première fois qu’ils devaient laisser des affaires derrières eux, et surement pas la dernière. Elle ne savait même pas s’ils reviendraient dans la maison qu’ils avaient quittée quelques heures plus tôt. Mise à part la bague surmontée d’un rubis à son majeur gauche, elle avait appris à ne pas s’attacher aux biens matériels.

    Emily rejoignit Nathanaël à l’extérieur et l’aida à extirper les valises de la voiture sans plus de cérémonie. Bientôt le duo arriva dans le hall de l’aéroport. L’endroit était gigantesque et la soudaine idée qu’elle pourrait se perdre poussa la jeune fille à se rapprocher de son tuteur. Il y avait trop de monde, trop de bruit, elle avait l’impression d’être un chat apeuré.

    – Ne t’en fais pas, suis-moi, fais comme moi et tout ira bien.

    Elle se faufila dans la masse des personnes présentes en prenant soin de ne pas le perdre de vue. L’attente pour l’enregistrement fut longue, interminable, et Emily commença à penser que McGonagall était une vraie sadique. Lorsqu’ils eurent enfin déposé leur bagage en soute, ils purent se diriger au contrôle de sécurité. Elle regardait comment les autres faisaient avec minutie et se sentit devenir blafarde lorsqu’elle réalisa qu’il fallait se démunir de tous métaux.

    – Nath, dit-elle en chuchotant. On a un problème.

    – Ne t’inquiète pas, lui répondit-il en comprenant à quoi elle faisait allusion, tu ne l’enlèveras que quelques secondes et dès que tu seras de l’autre côté tu pourras la remettre.

    Cela semblait simple, en théorie. Sauf qu’arrivée de l’autre côté, elle constata avec effroi que sa bague n’était plus dans le bac.

    – Oh non.

    – Qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda Nathanaël qui avait passé le portique juste après elle.

    – J’ai perdu ma bague ! Elle n’est plus là !

    Elle sentit les larmes lui monter aux yeux, la panique la gagner. Au-delà, de l’utilité de l’objet, elle s’y était attachée. C’était la seule chose qui l’avait toujours suivi dans leur périple pour la survie. Nathanaël se dirigea vers l’agent de sécurité pour lui demander si la bague n’était pas tombée mais après de longues minutes de recherche, il fallait se rendre à l’évidence, elle avait disparu.

    – Ce n’est pas possible ! Elle n’a pas pu s’envoler ! criait Emily.

    Les gens commencèrent à se tourner vers eux, alertés par les cris.

    – Emy calme toi…

    – Que je me calme ?! Mais c’est un complot ! Cette vieille bique a certainement dû tout prévoir sous ses airs de mère Thérèsa !

    Bien que réalisant à quel point l’image ne collait pas au personnage, Emily se voyait prise par des scénarios incohérents. Nathanaël quant à lui essaya d’expliquer à l’agent qu’il s’agissait d’un vrai rubis et ce dernier lui fournit un document de déclaration de perte qu’il remplit rapidement avant d’entrainer sa protégée dans la salle d’embarquement.

    – Écoute, on va la retrouver d’accord ? Mais pour l’instant il va falloir te calmer. Je te promets que je la récupèrerai.

    – Comment on va faire s’il s’avère que j’en ai besoin ?

    – Je la récupèrerai avant qu’un évènement fâcheux ne se produise. Promis.

    Il lui caressa les cheveux un air paternel et la jeune fille se blottit contre lui avant de se détendre. Elle ne savait pas comment il allait s’y prendre mais une chose était sûre, Nathanaël tenait toujours ses promesses.

 

*

 

    Arrivés à Londres, les deux voyageurs ne prirent pas réellement le temps de se reposer. À peine s’étaient-ils rafraîchis qu’ils quittaient déjà l’hôtel pour se rendre dans un lieu mystérieux sur lequel Nathanaël refusait d’en dire plus à Emily. La jeune fille s’émerveillait du changement radical qu’imposait Londres aux grandes villes américaines. Les fameuses cabines téléphoniques rouges dont elle se demandait si l’on s’en servait toujours à l’heure de la haute technologie, les bus rouges à deux étages, le Big Ben que l’on voyait de loin tel un far guidant les marins vers le port. Elle s’amusait à prendre des photos avec son petit appareil numérique. Elle avait un énorme cahier de voyage relatant toute leur vie à Nathanaël et elle, tout du moins la partie qu’ils avaient partagé ensemble. Emily n’avait pu connaitre ses parents. Rien n’était sûr mais il semblait qu’ils étaient décédés peu après sa naissance. Nathanaël, qui travaillait alors dans un orphelinat, l’avait élevé comme sa fille. Possédant la capacité de voir ce qu’il y avait de différent en elle, il l’avait toujours protégé de tout danger. Tout du moins, jusqu’à présent. Elle commença à remettre ce dernier point en question lorsqu’il la fit entrer dans un pub miteux et sombre, fréquenté par des gens on ne peut plus bizarres, voir effrayant.

    – Nath’, dit-elle entre ses dents, où sommes-nous ?

    – Au Chaudron Baveur Emy !

    À la mention du mot « chaudron » la jeune fille fit rapidement le lien avec le monde des sorciers et remit à nouveau en doute l’envie d’en faire partie.

    – Bonjour ! dit-un homme depuis le bar du pub.

    L’homme grand aux cheveux bruns, d’une quarantaine d’année environ, enleva son tablier et se dirigea vers eux.

    – Tu dois être la nouvelle élève de troisième année. Je suis Monsieur Londubat, j’enseigne la botanique à Poudlard. Et… j’aide ma femme à tenir le pub pendant les vacances.

    L’homme lui tendit la main qu’elle serra non sans hésitation. Bien qu’il semblât gentil, Emily avait vraiment du mal avec ce soudain non-anonymat qui la suivait. Comme devinant ses pensées le professeur poursuivit :

    – Le professeur McGonagall m’a prévenu de votre arrivée.

    Il serra la main de Nathanaël avant de les inviter à le suivre à l’arrière du pub. Lorsqu’ils se retrouvèrent dans un cul-de-sac, l’adolescente en fut certaine, toute cette histoire était un piège et ils y étaient tombés comme des débutants. Nathanaël posa néanmoins une main sur son épaule pour la calmer. Le professeur Londubat, loin de se douter de l’agitation de la jeune fille, sortit ce qui était sans nul doute une baguette magique et tapota le mur de brique. Emy fronça les sourcils en se demandant ce qu’il était censé se passer. Elle ouvrit alors la bouche en grand et fit les yeux ronds lorsque le mur s’ouvrit littéralement devant eux, dévoilant une rue animée, où certains adolescents de son âge étaient habillés d’une robe noire et d’un chapeau pointu.

    – Bienvenue au Chemin de Traverse, Emy, lui dit Nathanaël, satisfait de l’effet que cette surprise avait sur sa pupille.

    – On se revoit à la rentrée Emily, dit le professeur Londubat.

    À…à bientôt professeur.

    La jeune fille en avait perdu son latin. Jamais elle n’aurait imaginé qu’un monde tel que celui-ci coexistait avec le sien, si terne et si morne. Tout d’un coup l’idée de s’habiller comme pour une soirée d’Halloween ne lui parut plus aussi étrange. Ils firent les magasins les uns après les autres, achetant méticuleusement ce qui était inscrit sur la liste. Elle entra dans une boutique de baguettes et en ressortit, soulagée, après avoir failli assommer le vendeur au moment de tester l’avant dernière baguette.

    Ça me tue de le dire, mais je pense que je commence à comprendre de quoi parlait le professeur McGonagall lorsqu’elle disait avoir peur que je ne crève un œil à quelqu’un.

    Nathanaël et elle se mirent à rire, repensant à l’expression du vendeur de baguette qui semblait la voir comme une catastrophe ambulante. Emy s’arrêta soudainement afin de poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis la première boutique.

    – Nath’, d’où vient tout cet argent ?

    – Du professeur McGonagall. Il semblerait qu’il y ait un compte à ton nom à la banque des sorciers. Elle a pris la liberté de retirer ce dont tu aurais besoin. Je pense que j’ai oublié la clé dans une des valises.

    – Ce n’est pas grave, de toute façon je te la laisse. Je ne saurais pas quoi en faire. Mais dis-moi…qui a ouvert ce compte ?

    – Je n’en sais pas plus que toi. Peut-être tes parents ? Peut-être McGonagall elle-même mais sans vouloir l’admettre.

    – Pourquoi ferait-elle ça ? Pourquoi fait-elle tout cela ?

    Face aux nombreuses questions de sa protégée, le protecteur commençait à avoir du mal à garder secret les révélations que lui avait fait la directrice. Il allait vraiment falloir qu’il ait une discussion avec la sorcière, mentir n’était pas dans sa nature et la dissimulation avait ses limites.

    – Je ne suis pas sûr d’avoir la réponse mais je n’ai décelé aucune méchanceté en elle. S’il y a une chose que j’ai appris auprès d’Albus, c’est que le monde des sorciers est doté de mystères illimités, mais aussi que les professeurs de Poudlard sont tous honnêtes et dignes de confiance… lorsqu’ils ne sont pas envoyés par le ministère, tout du moins l’ancien.

    – Le ministère ?

    – Le ministère de la magie. Il va vraiment falloir que tu rattrapes ton retard avant la rentrée, dit-il avant d’entrer dans ce qui semblait être une animalerie.

    – Que faisons-nous là ?

    – Tu n’as pas lu ? Tu as droit à un animal de compagnie.

    – C’est vrai ?! dit la jeune fille des étoiles plein les yeux.

    Emily avait toujours rêvé d’en avoir un. Ayant des difficultés à se faire des amis, elle voyait en un animal de compagnie la possibilité de nouer une relation avec quelqu’un d’autre que son tuteur – tout du moins un autre être vivant. Cependant les déménagements successifs rendaient la chose trop complexe, elle avait donc dû renoncer à cette idée, jusqu’à aujourd’hui.

    Que Nathanaël ait changé d’avis la ravissait au plus haut point. Se sentant comme une petite fille le jour de Noël, elle parcourut le magasin en s’extasiant devant la multitude d’animaux proposés. Certains étaient étranges et elle était certaine qu’ils n’en existaient pas dans le monde des « moldus », comme ils disaient. Une vieille dame qui s’occupait des hiboux lui donna plus d’informations sur les différentes races. Elle lui rappela alors, devinant qu’elle était élève à Poudlard, que tous les animaux n’étaient pas admis. Emily la remercia et sortit sa liste de sa poche.


… Chaque élève a le droit d’avoir un chat, un hibou ou un crapaud…

 

    Un crapaud ? Qui pourrait vouloir d’un crapaud ?

    – Nath’ ! Tu as vu on a le droit d’avoir un crapaud, dit-elle en pouffant, mais qui pourrait vou…

    La jeune fille qui continuait de regarder sa liste – et non son chemin – était entrée en collision avec quelqu’un. Quelqu’un qui devait vraisemblablement tenir une pile de livres dans ses bras puisque le sol fut aussitôt recouvert d’ouvrages et ce, dans un bruit sourd de couvertures en cuire impactant le parquet en bois.

    – Oh ! Je suis vraiment désolée, dit-elle confuse en se précipitant pour aider le malheureux à ramasser ses livres. J’espère que je n’ai rien abimé.

    – Ce n’est rien, ne t’inquiète pas.

    Emily releva les yeux vers le jeune homme qu’elle avait heurté. Il avait les yeux verts à l’instar des siens, bien qu’un peu moins vif, et des cheveux noirs mi-longs. Elle l’aida à ramasser les derniers livres et s’excusa à nouveau.

    – Tu es élève à Poudlard ? lui demanda-t-il en se relevant. Il ne me semble pas t’avoir déjà vu.

    Emy ne s’attendait pas à ce qu’il lui fasse la conversation. Sa vie sociale avait été assez limitée jusqu’à présent et les rares fois où elle avait eu des échanges avec d’autres personnes – en dehors de Nathanaël – cela s’était avérée être une expérience assez houleuse. Emily était prise au dépourvue. Le jeune homme en face d’elle semblait en aucun cas rechercher le conflit alors même qu’elle venait de le bousculer violemment.

    – Je…Euh…Je fais mon entrée à la rentrée prochaine, finit-elle par répondre.

    – Oh ! On se reverra là-bas alors. Je suis en troisième année.

    – Oh…

    Emily hésita à préciser qu’elle serait, elle aussi en troisième année. Cependant il lui sembla judicieux d’éviter les questions auxquelles elle n’était pas préparée pour le moment.

    – Tu as choisi un animal ?

    Ayant été arrachée à ses pensées, elle mit quelques secondes avant de répondre.

    – Euh… Non, pas encore. J’étais en train de faire le tour quand…

    – Quand tu m’es rentrée dedans, dit-il en souriant.

    – Oui, encore désolée, dit-elle, accompagnant ses excuses d’une petite grimace contrite.

    – Ce n’est pas grave. Et pour répondre à ta question, le professeur Londubat avait un crapaud lorsqu’il est entré à Poudlard.

    – Vraiment ?

    Elle se remémora l’homme qu’elle avait vu au Chaudron Baveur un peu plus tôt dans la journée. L’idée l’amusait et le fait de savoir que quelqu’un pourrait peut-être lui raconter des anecdotes de Poudlard lui semblait des plus attrayante.

    – Je t’en raconterai plus quand on se reverra si tu veux, mes parents m’attendent.

    Il pointa le doigt vers un couple qui discutait à l’extérieur, un homme grand aux cheveux bruns en batailles parsemés de quelques mèches grises et une femme aux cheveux roux flamboyant.

    – Oh ! Bien sûr ! Je ne voulais pas te retarder.

    Ce n'est rien, n'en parlons plus ! Il y a des chats à l’étages si jamais ça t’intéresse.

    Les yeux de la jeune fille s’illuminèrent instantanément, c’était exactement ce qu’elle recherchait.

    – Super ! Je vais aller voir ça ! Merci.

    – De rien…

    Sans plus attendre Emy monta l’escalier en colimaçon en courant, laissant derrière elle le jeune homme éblouit par sa chevelure rousse aux reflets de miel et ses yeux couleur émeraude.



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